Audio: David Espinet (philosophe, Univ. Strasbourg) : « Kunstwerk der Wahrheit. L’esthétique de l’être chez Heidegger » (CREPHAC, Strasbourg, 14/6/2023)

Chères amies, chers amis,

Vous trouverez ici l’enregistrement de la passionnante intervention de David Espinet intitulée « Kunstwerk der Wahrheit. L’esthétique de l’être chez Heidegger », au CREPHAC (Centre de Recherches en philosophie allemande et contemporaine)(1), le 14 juin 2023.

Il y présente la pensée de l’art et l’esthétique de l’être de Heidegger dans son texte de 1935/36 intitulé L’Origine de l’œuvre d’art.  Suite à une introduction d’Edouard Mehl (philosophe, Univ. Strasbourg).

Concernant la pensée de Heidegger en général, c’est ici pour David Espinet l’occasion de mettre en perspective la profonde complexité de celle-ci. D’un côté, en effet, il s’agit de caractériser la pensée de Heidegger comme relevant du déploiement d’un « mythe nazi » au sens de Lacoue-Labarthe et Nancy (2). De l’autre, il s’agit de repérer ce qui dans la pensée de Heidegger a ouvert des chemins nouveaux, donnant à élaborer, et que nombre des penseurs importants (ne citons en France que Lacan, Foucault, Levinas, Derrida, Nancy…) ont mis au travail de manière féconde.

Ainsi, dans le cas de L’Origine de l’œuvre d’art, d’un côté, David Espinet met en effet en lumière comment ce texte déploie une « description » phénoménologique de la puissance de vérité de l’œuvre d’art. De l’autre, il montre comment Heidegger, dans ce texte, « instrumentalise » cette phénoménologie dans une « proclamation » déployant une politique et une mythologie (de la « transcendance » de la « Terre ») spécifiquement nazies.

Pour le dire dans mes termes, David Espinet essaie ici d’éclairer, après d’autres philosophes, et de manière particulièrement convaincante, le double scandale de la pensée de Heidegger : le premier scandale, absolu, de son nazisme fondamental ; mais aussi le second scandale, terriblement inquiétant, du fait qu’une telle pensée peut aussi (et il s’agit ici il me semble de bien peser l’Horreur de ce aussi, en premier lieu au regard de la Shoah (3))… du fait donc qu’une telle pensée peut aussi a pu aussi présenter des ressources – phénoménologiques – pour penser après lui. A mon sens, c’est à l’acceptation douloureuse de ce double scandale que nous invite la réflexion très subtile de David Espinet.

Ce pour nous permettre d’avoir à l’esprit différentes choses : 

– la phénoménologie comme tradition philosophique constitue un apport fondamental – dans le champ de la philosophie mais aussi plus généralement (aussi en psychanalyse avec Lacan) ;

– Heidegger, a participé de cet apport de manière particulièrement ouvrante ;

– oui, dire cela, c’est aussi, à tout instant, lorsque je lis Heidegger, devoir avoir à l’esprit l’Horreur qu’éveille en moi la dimension nazie de cette pensée, mais aussi ce que j’appellerais l’ambiguïté instrumentalisante de celle-ci.

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David Espinet est Professeur d’histoire de la philosophie allemande moderne et contemporaine et directeur adjoint du CREPHAC.

Parmi ses publications :

– « Heidegger lecteur de Kant. Points de vue privés et publics à partir de 1930 », in : Archives de Philosophie 81/2 (2018).

– « Politiques du bonheur. Kant, Derrida et Blumenberg », in : Archives de Philosophie 79 (2016), p. 759-774.

– « Justice, amitié, bonheur. Derrida et l’éthique kantienne », in : Les Cahiers philosophiques de Strasbourg 39/1 (2016), p. 25-41.

– Ereigniskritik. Zu einer Grundfigur der Moderne bei Kant (Sonderbände Deutsche Zeitschrift für Philosophie vol. 39), Berlin / Boston, De Gruyter 2017

 Phänomenologie des Hörens. Eine Untersuchung im Ausgang von Martin Heidegger, Tübingen, Mohr Siebeck, 2009, 2e édi. 2016

Pour plus de détails, voir :

https://philo.unistra.fr/personnes/enseignants-chercheurs/david-espinet/

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NOTES

(1) : https://philo.unistra.fr/recherche/crephac-ur-2326/

(2) : Ph. Lacoue-Labarthe et J.-L. Nancy, Le mythe nazi, L’Aube, 1991

(3) : Voir le texte de David Espinet : « Quand ne pas dire c’est faire. L’écoute heideggérienne et l’o(n)to-polémologie du silence », in Sophie-Jan Arrien / Christian Sommer (dir.), Heidegger aujourd’hui. Actualité et postérité de la pensée de l’Ereignis, Paris, Hermann 2021, p. 125-153