Emmanuel Salanskis (philosophe, Univ. Strasbourg): « Nietzsche  se sent très libre d’abandonner une idée quand il a constaté qu’elle n’est plus opérante, ou qu’il a développé une interprétation qu’il trouve meilleure » (RCJ, 2015)

Chères amies, chers amis,

Ici le lien vers la très belle interview d’Emmanuel Salanskis sur RCJ le 23.10.2015 concernant son livre Nietzsche (Paris, Les Belles Lettres, coll. « Figures du savoir », 2015).

Dans cet ouvrage, il propose une mise en perspective novatrice de l’œuvre du philosophe allemand, dans sa grande créativité, ses apports si fondamentaux, mais aussi sa complexité, ses angles morts, ainsi que la dimension inquiétante (eugéniste) de sa pensée. Pour cela, la lecture très subtile et accessible d’Emmanuel Salanskis situe Nietzsche dans son contexte (entre autres en traitant de la relation entre sa pensée et celle de Freud). Elle nous donne aussi une analyse très éclairante des réinterprétations du philosophe allemand par Heidegger, Deleuze, Foucault, Derrida, de la relation de Nietzsche au judaïsme, ou encore de sa reprise falsifiante par le nazisme.  

Ici une citation de cette interview : « Nietzsche n’est pas paralysé par cette vieille exigence de Platon qui était de ne pas se contredire. (…) (Il) veut toujours considérer ses idées comme des hypothèses. Nietzsche est un philosophe expérimental. Il revendique des expériences de pensée et, du coup, il se sent très libre d’abandonner une idée quand il a constaté qu’elle n’est plus opérante, ou qu’il a développé une interprétation qu’il trouve meilleur. »

Quatrième de couverture : « Friedrich Wilhelm Nietzsche (1844-1900), philosophe allemand, est connu pour avoir proclamé « la mort de Dieu », théorisé « la volonté de puissance » et enseigné « l’éternel retour de l’identique ».
Ces formules célèbres ont souvent masqué la nature de l’entreprise que Nietzsche s’est assignée.
Récusant toute vérité définitive, sa philosophie est une constante expérimentation qui multiplie les perspectives. Elle s’organise pourtant à partir d’une unique problématique culturelle qui remet en question le partage entre théorie et pratique : il s’agit, en mettant à profit la connaissance de l’histoire et des sciences de la nature, d’« élever » l’homme, tant au sens d’un élevage zoologique que d’une élévation de valeur, pour en faire un être plus épanoui et plus puissant qu’il ne l’a été jusqu’à présent sous l’emprise des valeurs judéo-chrétiennes. Nietzsche propose ainsi une véritable « transvaluation de toutes les valeurs », qui se veut tout autre chose qu’un retour à la barbarie des origines.
Après l’analyse des tensions et des ruptures à la faveur desquelles Nietzsche devient Nietzsche, cet essai présente les concepts qui structurent son projet biologico-culturel. L’étude de quelques postérités décisives peut alors montrer, pour finir, le caractère à la fois fécond et dangereux de la réflexion nietzschéenne. Celle-ci reste présente dans la pensée philosophique contemporaine, en particulier chez les auteurs qui revendiquent une démarche « généalogique ». »

.

Emmanuel Salanskis a approfondi sa réflexion sur Nietzsche dansPourquoi une Généalogie de la morale ?Le projet de Nietzsche, ses sources et son horizon, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2023.

Quatrième de couverture : « Ce livre vise à redécouvrir le projet de recherche collectif, interdisciplinaire et fondamentalement ouvert que Nietzsche a présenté dans la Généalogie de la morale en 1887. Paradoxalement, la généalogie nietzschéenne a en effet été méconnue par les premiers interprètes qui en ont fait un philosophème à part entière : en particulier par Gilles Deleuze, dont le Nietzsche et la philosophie, paru en 1962, a présenté à tort la généalogie de la morale comme un concept propre à Nietzsche. Ce n’est pas ce que nous dit Nietzsche et il est essentiel de l’entendre. Car non seulement Nietzsche se reconnaît des prédécesseurs en matière de généalogie, comme l’Allemand Paul Rée et l’Anglais Herbert Spencer, mais son intervention personnelle dans ce champ consiste bien souvent à corriger des hypothèses antérieures trop « azurées ». Il faut donc lire les auteurs que Nietzsche a lus pour mesurer ses dettes, discerner ses originalités et saisir les enjeux de son travail. On mesure ainsi le sérieux philologique de son entreprise, qui en accroît à vrai dire la portée philosophique, y compris dans une perspective contemporaine. Suivant cette orientation générale, le présent ouvrage se décompose en une série d’études qui se focalisent successivement sur la préface et sur les trois traités. Un premier chapitre interroge la fonction que Nietzsche attribue à une généalogie de la morale : le généalogiste produit une critique méthodique de notre morale judéo-chrétienne, en s’appuyant pour cela sur les sciences historiques et les sciences du vivant, mais sans renoncer à la spécificité de son regard de philosophe. Un deuxième chapitre montre ensuite comment Nietzsche remet en question notre croyance spontanée en un concept stable de moralité qui aurait traversé l’histoire. Au lieu de postuler a priori ce prétendu universel, il convient de retracer l’histoire réelle du vocabulaire moral pour en faire un fil conducteur généalogique. Le troisième chapitre analyse dans cette perspective l’émergence de la catégorie de « faute », telle qu’elle est reconstituée par Nietzsche au moyen d’une distinction anthropologique centrale entre faute et responsabilité : des millénaires durant, on a puni sans présupposer la moindre faute intentionnelle de l’individu, contrairement à notre principe juridique moderne du nulla poena sine culpa (« pas de châtiment sans faute »). Enfin, un dernier chapitre s’intéresse à la généalogie des idéaux ascétiques esquissée par le troisième traité, qui repose sur une autre distinction terminologique cruciale de Nietzsche entre sens (Sinn) et signification (Bedeutung) : ce que signifie généalogiquement le vaste succès de l’idéal ascétique est, ni plus ni moins, le fait global qu’il a jusqu’à présent été le seul à donner un sens à la souffrance humaine. »

Emmanuel Salanskis a aussi codirigé « Nietzsche : le projet de la Généalogie de la morale » dans Les Cahiers philosophiques de Strasbourg, n° 51/2022-1, textes réunis par Emmanuel Salanskis et Anne Merker, Presses universitaires de Strasbourg, 2022. 

https://journals.openedition.org/cps/5403

Quatrième de couverture :« La Généalogie de la morale est un livre dont l’importance philosophique est largement reconnue : elle est probablement devenue l’ouvrage le plus célèbre de son auteur, voire celui auquel on réduit Nietzsche, au risque d’oublier les textes qui précèdent ou qui suivent cet « écrit polémique » de 1887. Or une telle valorisation de la Généalogie au détriment des œuvres qui l’entourent a souvent procédé de perspectives extérieures à Nietzsche, qu’on tentait de projeter sur le livre. Peut-on au contraire prendre au sérieux la Généalogie de la morale sans chercher à la réinscrire dans un cadre philosophique extra-nietzschéen ? Peut-être conviendrait-il de prêter attention au projet de recherche collectif que la Généalogie de la morale esquisse elle-même : celui d’une « histoire de la morale réelle », que la philosophie est invitée à retracer en dialogue avec les sciences humaines et les sciences de la vie. »

.

Emmanuel Salanskis est maître de conférences en philosophie, doyen de la Faculté de philosophie, membre du Centre de recherches en philosophie allemande et contemporaine (CREPHAC).

 Pour plus de détails sur ses recherches, activités et publications :

https://philo.unistra.fr/personnes/enseignants-chercheurs/emmanuel-salanskis/