Mikveh (témoignage d’une Affliction Infinie) (poème)
Ainsi le voici
ce bain rituel
ce Mikveh
superbement roman
de presque 1000 ans
à Spire
cette ville si importante
pour la communauté juive
au Moyen Age
.
ainsi les voici
cet escalier profond
ces colonnes fleuries
ces marches imprégnées des pas
de tant de corps du passé
de cette tradition immense et infiniment blessée
mais toujours vivante
.
ainsi la voici
cette eau profonde
dans laquelle ces corps se sont
infiniment purifiés
pour se relier
à l’infini jeu de textes
de la tradition juive
lus là
à l’époque
juste à côté
dans la Synagogue
dont les ruines roses et blanches
sont érigées
à côté du Mikveh
.
mais visiter un tel lieu de mémoire
ici en Allemagne
oriente avant tout
mon corps
vers l’Infinie Affliction
face à l’Horreur Plus qu’Infinie
de la Shoah
et des pogroms sans fin
de l’Histoire
.
et mon corps défaille aussi ici
face à l’Horreur Plus qu’Infinie
des mots impossibles
car comment peut-on nommer
ceci ?
.
et comment pourrais-je parler de ce Mikveh
sans parler aussi
de ce qu’on ne peut nommer?
.
ni sans évoquer
au petit niveau de ma vie de goy de 2022
mes nuits de cauchemars
après cette visite?
.
ainsi il ne me reste plus qu’à essayer de témoigner
de mon Infinie Affliction
face à l’Horreur Plus qu’Infinie
qui est là silencieuse
dans l’ombre de l’Histoire
et qui hante nos nuits
comme elle hante la lumière sublime
de cette si belle journée d’automne
à Spire
et comme elle ne cessera jamais de la,
et de nous,
hanter
.
(je dédie ce texte à Benjamin Lévy)
Version anglaise du poème: