Le « JOURNAL D’EPSYDEMIE » DE BENJAMIN LEVY – ET SA TRADUCTION DE « CORONA » DE PAUL CELAN
Une suggestion de lecture : le journal tenu par mon ami Benjamin Lévy, du 17 mars au 2 avril 2020 :
https://benjaminlevy.wordpress.com/journal-depsydemie/
Voici un texte s’interrogeant sérieusement sur ce qui nous arrive en ce moment – dans toute son énigme et tout son tragique. Un texte élaborant le fait que « le réel, c’est quand on se cogne » (Jacques Lacan).
Aussi parce que je suis sans doute troublé face à cette question du « que nous arrive-t-il en ce moment? », il m’est difficile de présenter en quelques mots cette réflexion très associative, partant de la subjectivité de son auteur pour essayer d’envisager les conséquences psychiques, sociales, culturelles et politiques de la situation actuelle, non sans faire un détour par la philosophie ou les auteurs antiques.
Sachant que comme toujours, nous en saurons (seulement un peu) plus dans l’après-coup…
Qu’il me suffise de dire que ce journal est à la fois juste et lucide, décemment tragique et méditatif – ludique aussi, malgré tout – et évoquant, bien sûr, la psychanalyse… pour se conclure sur la poésie – et pas la moindre, celle de Celan:
https://benjaminlevy.wordpress.com/7-avril-retraduire-celan/
Oui, je vous invite à lire le souffle de Paul Celan dans la traduction de Benjamin Lévy (voir le lien donné précédemment), ainsi que la belle réflexion de ce dernier sur les diverses traductions de Corona – évoquant d’ailleurs l’oeuvre fort passionnante du psychanalyste anglais Wilfred Bion.
Une citation du texte de Benjamin, élaborant la question de la parenté entre poésie et psychanalyse:
« D’un autre point de vue, il me semble que ce sang, rayon de Lune, constitue le centre du poème, son noyau à interpréter.
Voici plusieurs années, j’ai contribué à traduire un ouvrage de James Grotstein consacré à Wilfred Bion avec les membres d’un groupe de travail que je salue ici.
L’ouvrage s’intitulait : Un rayon d’intense obscurité.
Au cœur de chaque séance analytique reposerait un point d’obscurité intense, le lieu d’exercice du transfert, diront certains.
L’exercice analytique, selon cette approche, consisterait à déplier ce que l’excès de lumière a obscurci. »
Parce que j’ai fait partie des personnes auxquelles il l’envoyait par morceaux, tous les 2 jours, j’ai eu la chance de lire ce journal au fur et à mesure. Et j’aimerais ici témoigner du fait que lecture, le plus souvent le soir (ou la nuit, lors des moments où mon sommeil, comment dire, se reposait…), m’a prodigué une énigmatique résonance qui sans doute m’a aidé à me positionner dans notre étrange situation étrange – où, pour ma part, je suis extrêmement protégé… et, en disant cela, je ne peux pas ne pas avoir une pensée de vive solidarité pour les Amis et connaissances travaillant aux urgences, en EHPAD, à l’hôpital, en médecine libérale…
Bref, le texte de Benjamin Lévy m’a aidé à élaborer l’angoisse – ce qui est la fonction du psychanalyste…
Pour conclure ce billet, puisque j’ai parlé de Bion, j ‘aimerais ici juste évoquer sa proximité avec Winnicott, et surtout l’éloge par Lacan (1) de Bion, particulièrement de sa réflexion si éclairante sur le groupe (2) et sur le malaise dans la culture (3).
NOTES:
(1): La psychiatrie anglaise et la guerre » (1947), In Autres écrits, Seuil, 2001, p. 101-120.
(2): Wilfred Bion, Recherches sur les petits groupes Paris, PUF, 1965.
(3): Sigmund Freud, Le Malaise dans la culture, Das Unbehagen in der Kultur, 1930.